Xylella fastidiosa, la peste qui anéantit les oliviers des Pouilles
Depuis 2013, une bactérie tueuse décime les oliveraies de cette région d’Italie. Les images des photographes Jean-Maric Caimi et Valentina Piccinni rendent compte de cette catastrophe écologique et économique.
Philippe Ridet
Cet été, les photographes Jean-Marc Caimi et Valentina Piccinni se sont rendus sur la ligne de front aux environs de Gallipoli. Leur but : rendre compte de la mort des oliviers, qui sèchent littéralement sur pied. Avec, en corollaire, l’anéantissement des hommes qui, depuis des millénaires, ont fait de cet arbre le symbole du bassin méditerranéen, la base d’une civilisation. Les branches nues des oliviers et les bras maigres des hommes racontent la même histoire. « La fin d’une culture », explique Jean-Marc Caimi.
À qui la faute ?
On n’en est peut-être pas là, même si le combat est mal parti. La Xylella fastidiosa a, pour l’instant, échappé à tous les pièges conçus pour la détruire : drainage, entretien minutieux des sols, pulvérisation de produits toxiques ou écocompatibles. Au printemps, une centaine de scientifiques réunis par la région pour trouver LE remède miracle ont rendu copie blanche. On s’interroge encore sur l’arrivée de la bactérie dans cette contrée. Qui l’a introduite ? Des entomologistes venus l’étudier lors d’un colloque à Bari en 2010 ? Un transporteur de plantes exotiques en provenance du Costa Rica, où la bactérie avait déjà été repérée ?
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Faute de vérité, chacun y va de sa théorie, de son soupçon, indifférent aux avis divergents. De Bari à Lecce, il y a plus d’hypothèses sur l’arrivée et le développement de la Xylella que d’écoles de psychanalyse de Vienne à Buenos Aires. Certains soutiennent par exemple que les gros oléiculteurs du nord des Pouilles auraient introduit la bactérie pour faire mourir les petits producteurs du sud. D’autres accusent des élus aux ordres des multinationales de la chimie agroalimentaire comme Monsanto. D’autres encore désignent de mystérieux investisseurs voulant désertifier la région de Gallipoli pour y implanter hôtels, résidences de luxe et casinos, autrement plus rentables que la production d’huile d’olive.
« Tout le monde se sent une âme et des compétences d’agronome, regrette Gianfranco Ciola, directeur du parc naturel d’Ostuni, qui abrite de nombreux oliviers séculaires. C’est comme lorsque joue l’équipe nationale de football : tous les Italiens se prennent pour des entraîneurs. Pourtant, ce serait le moment de s’écouter les uns les autres. »« Pour nous,renchérit Michele Emiliano, le président de la région, l’olivier est plus qu’un arbre. C’est un ancêtre, une part de nous-mêmes, notre reflet. Grâce à lui nous nous confrontons à l’éternité et au temps qui passe. C’est pourquoi l’abattage est considéré comme une sorte de sacrilège. » Mais, si les filets de protection devaient se révéler inefficaces, l’élu a indiqué qu’il ne resterait plus que cette solution radicale.
Originally published on November 3, 2016 by Le Monde.fr